Ultra-book de nadadagdougArticle satirique : وينو الارنوب ؟ / A la recherche du lièvre..

Pourquoi vouloir parler de lièvre ?  C'est quoi ce sujet ! S'indigne mon âme crispée, confinée, comprimée.

Manquer de crier haut et fort les défis majeurs de notre siècle est pure insouciance.  Comment ne pas évoquer les hésitations quotidiennes gravissimes liées aux choix opérés devant nos photos "de profil".  Comment ne pas dénoncer les pratiques massives d'autobiographie incitant jeunes et moins jeunes à produire des images fugaces, que l'on désigne vulgairement par selfi. Dans ce monde de plus en plus auto-visuel, on a franchement tous envie d'un peu de légèreté !

 

Alors, laissons les gros titres opprimants sur le papier journal, celui qui sert au même temps à laver les surfaces et à envelopper délicatement le fricassé, laissant ces titres défiler sur cette bande télévisuelle agaçante qui nous barbouille les yeux.  On l'a bien compris nous devons partager, sur nos écrans, ensemble, le bonheur comme le malheur. Mais pour cette fois, ce n'est pas le passage d'un lièvre qui y changera grand chose.

 

Donc voilà, parlons légèreté, parlons athlétisme pour commencer.

 

Dans les épreuves d'endurances sportives comme les courses de mille, cinq mille et dix mille mètre, on désigne par lièvre le coureur qui se trouve en tête de parcours. Ce dernier, n'étant pas forcément promu à gagner la course, possède néanmoins une fonction stratégique quasi vitale pour ses rivaux. Cette personne propulsée, par lui même, représente pour les autres coureurs un repère qu'il ne faut en aucun cas quitter des yeux.  Il est, en effet, l'incarnation visible de la motivation sportive. Il est le sticker de rappel de la valeur compétitive... Bref, il est cette silhouette concrète qui permet simplement de maintenir la concentration durant toute la pénible course. Dans une autre perspective, tout à fait opposée, ce coureur est pour ses adversaires ; le point à rattraper, l'obstacle à dépasser, l'effort à fournir, la conscience vivace de l'autre et enfin la réalisation de soi par la victoire.

 

L'endurance en elle même est une qualité humaine si extraordinaire qu'elle appelle justement aux performances extrêmes physiques et psychiques. Vous imaginer bien ce que peut ressentir ce pauvre lièvre ayant à son "horizon" un parcours vide, interminable, giratoire, qui n'hésitera pas, s'il en avait l'occasion, à le ridiculiser. Mais, au fait, ce parcours, des occasions, il en a bien ! 1er tour, Courir ... 2 ème tour,  courir encore... 25ème tour, tu peux toujours courir !

 

Oui, ce n'est peut être pas nouveau de le dire, mais nous courons tous, sportif ou pas, nous le faisons dans un circuit fermé, avec ces mêmes ressenties et soumis aux mêmes enjeux. Ce circuit a pour point de départ notre naissance, pour milieu notre vie et pour fin notre mort physique, qui elle, est de nature, vous en conviendrez...  indéniable !

 

Rapportez cette idée à l'endurance qu'exige la vie ou plutôt la sur-vie et vous verrez qu'il s'agit la plus part du temps d'une histoire de lièvre. Un lièvre qu'on perd de vue, qu'on oublie de situer, de définir ou qu'on ne s'efforce même pas de chercher.   

 

D'abord à quoi faudrait- il ressembler ? est -il réel ou imaginaire ? Concret ou spirituel ?

 

Pour un ou une célibataire ce lièvre peut être un partenaire, une personne à proximité et de proximité qui aide à supporter la routine du travail, qui facilite la justification de la course entamée vers des valeurs de consumérisme, de confort ostentatoire et de compétition de voisinage : vêtements "in", meubles maison, service de verres argentés pour thé, faux bijoux à la mode, voyages pour réalisation d'albums Facebook..

 

Pour un couple, l'on dira un peu usé, le lièvre pourrait être cet enfant, qui même si on lui reconnait son quota de complication, il saura bien représenter ce lapinou qu'on suit aveuglement là ou il va. Il est support de la vie, du travail toujours pénible, du statut d'adulte encore plus pénible (Oh, tendre enfance où as tu disparu..) des investissements bancaires, des crédits et comptes d'épargne,  de l'assurance vie et autres absurdités économiques fatalement éphémères.

 

Pour certains encore, ce lièvre peut être un parent, des parents, ils sont un repère de valeurs qu'on cherche à retrouver, pour ajuster les nôtres.   Ils peuvent, ceci dit, dans un cas tout à contraire, représenter la course vers le changement, vers le dépassement.. De ces lignes conventionnelles, sociales et certainement culturelles.

 

Pour un être mystique, ce lièvre pourrait être...un dieu, un guide quotidien, qu'on implore pour qu'il nous donne patience, force et assujettissement.  Parce que immense est cette compétition qu'il nous réserve.

 

Pour les éternels enfants (adultes atteints du syndrome de Peter Pan), le lièvre pourrait être pur rêve, une idéalisation de la vie qui se nourrit d'espérance, de fictions, d'humour noir ou coloré, de sensibilité débordante, bref de projections fantasmatiques qui aide à faire avaler la pilule de la vie, qui elle, est bien conventionnelle et nettement moins fantastique. Autrement dit, pour les plus réalistes, ceci peut rejoindre l'idée du hobby ; ça va de la collection de bouchons à la pratique des arts les plus "nobles" ! 

 

Présentées ainsi, les choses peuvent être simples, si chacun retrouvait simplement son lièvre, n'est ce pas ?  Mais croyez vous que l'on se contente que d'un seul ! Est- il déjà possible d'en choisir un seul.  En réalité et posons nous la question autrement :

 

Combien de lièvres courons- nous à la fin !

 

Pour certains cartésiens, l'affaire du choix unique est simple, d'une évidence aveuglante.  Mais elle n'est justement pas sans risque. A la longue, le seul vieux lièvre traqué conduit à une forme d'autisme anti -démocratique, qui confine les esprits et le nourrit d'égocentrisme et de sauvagerie sociale. D'ailleurs je vais illustrer vite fait et juste au passage des exemples très familiers, du genre : Stationnement inapproprié de voitures motivé par des raisons soit disant valables ; Prière, achat de pain pour la famille, consommation urgente de café, conduite d'un enfant jusqu'à la porte de l'école.. etc. Ceux là, je vous le dis, ils courent un seul lièvre..à la fois. 

 

Pour d'autres cas, la visualisation concrète de plusieurs lièvres est là pour dire qu'il est parfois plus motivant de faire les choses pour les autres, pour les parents, les enfants, le partenaire, les amis.. Mais là encore certains trouverons que cette devise est totalement dépassée. Dans ce monde hyper individualiste, on fait les choses d'abord pour soi !  Se crie la bonne femme ! Mais pourquoi j'invoque les femmes ? Ah oui, c'est parce qu'elles sont, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, fatiguées de courir partout et sont nombreuses à défendre cette notion.

 

Nous voilà alors devant deux philosophies, deux justificatifs à l'existence même des lièvres. Des lièvres qui motivent les pratiques altruistes et des lièvres forcément adversaires qui, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, motivent en même temps le combat pour soi.  Mais rappelez-vous qu'en tout début du propos, dans le contexte de la course athlétique, le lièvre coureur est par définition un ami-ennemi sans qui la course compétitive ne peut être !

 

Le partenaire, l'enfant, les parents, la société, dieu, nos ambitions, nos fantasmes sont-ils concurrents d'abord ?  Là en est une première question.  La seconde question, sont-ils seulement conciliables ?

 

Nous y voilà en plein milieu de la course, là ou l'endurance physique et psychique s'exerce pour de vrai.  Nous dirons dans ce cas que l'existence simultanée de ces lièvres exprime parfaitement la dimension réelle de l'esprit sportif.  Dans une perspective conciliante, l'on dira aussi, que pour mener cette course, il n'est ni question de focaliser sur soi même et ni moyen de soustraire de son esprit les autres, c'est à dire ses propres lièvres.  Ces derniers sont des personnes de valeur, des concepts spirituels puissants, des idées communautaires lumineuses ou encore des stimuli magiques. Ils sont ces bonnes raisons pour accepter l'aventure du parcours et pour se donnez le coup de fouet nécessaire en cas de grosse fatigue !

 

Alors, si vous avez trouvez au moins un lièvre tant mieux pour vous,  ne le perdez pas de vue et aventurez vous à chercher un autre ( je sais à quoi vous pensez mais ce n'est pas du tout ça ).  Si vous en avez pas vu encore quelques uns, c'est qu'ils sont probablement à construire. Puisez alors dans votre imaginaire le plus fou et armer vous de tous vos moyens sensibles.

 

Le repérage des ces entités frétillantes, vous sera, à des moments, bien vital.

Il me reste qu'à vous dire, tenez bon et surtout bonne course à tous et à toutes

Nada Dagdoug